mardi 27 juillet 2010

Exercice de Style en dix-huit crimes


Une lecture pour salon double de L'homme qui tua Roland Barthes et autres nouvelles de Thomas Clerc (Paris, Gallimard (L'arbalète), 2010, 356 pages.)

"Ce que nous contemplons, nous autres vivants, est le spectacle ambigu et effroyable, des hommes devant la mort, qui, comme le soleil, ne peut se regarder en face." (p. 66)

Et c’est bien à une forme d’agonie que nous assistons à la lecture des dix-huit nouvelles qui composent le recueil de Thomas Clerc, intitulé L’homme qui tua Roland Barthes et autres nouvelles. Chacune des personnes –devenues ici personnages– choisies par Thomas Clerc va mourir, les titres anaphoriques «L’homme qui tua…» nous le rappellent, les connaissances du lecteur souvent le lui confirment (Gianni Versace, Abraham Lincoln, Pier Paolo Pasolini et Marvin Gaye sont morts assassinés, nous le savons tous). Ils sont décédés, victimes d’un crime et s’apprêtent à être de nouveau tués sous nos yeux. Pour nous faire partager ce spectacle à l’issue fatale et sans surprise, Thomas Clerc, dans un élan oulipien, change à chaque nouvelle de style d’écriture mais aussi de point de vue, semblant d’ailleurs avoir une préférence pour la focalisation sur le meurtrier plutôt que sur la victime. Si les dénouements de chaque intrigue sont donc connus d’avance, chaque nouvelle, par l’exercice de style qu’elle propose, se fait singulière et manifeste une certaine virtuosité dans l’écriture de la part de Thomas Clerc. Le crime, dans sa violence et son traitement, se renouvelle sans cesse, comme une variation sur un même thème. Ceci forme l’architecture particulière de ce recueil dessiné par un auteur, ardent défenseur de l’art de la nouvelle littéraire.
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