mercredi 20 juillet 2011

_trajets de Bérénice Belpaire : « Si vous voulez le voir, il faudra le faire : entrez dans l’image »

Le projet _trajets est une idée originale de Bérénice Belpaire et Clément Charmet. Les artistes proposent aux internautes de participer de manière inédite à la création d’un film collaboratif à partir d’un scénario écrit à l’avance. Le film devrait raconter une histoire d’amour sur fond de road movie poétique. En attendant le téléchargement des vidéos qui composeront le film, l’internaute peut avoir accès à sa bande son :
« Hier il est repartit, pour toujours cette fois. Dans la solitude de ce matin d’été j’ai décidé d’écrire ce voyage que nous ne ferons jamais (… )»
Ainsi commence l’histoire, le voyage, l’expérience _trajets.



La conception, le scénario et le story-board ont été réalisés par Bérénice Belpaire ; le développement et l’ingénierie par Estelle Senay et Marvin Balungidi, la conception du design sonore par Jan Deweille.

Bérénice Belpaire, qui est au centre du projet, est diplômée en arts appliqués, en cinéma d’animation, en cinéma-arts du spectacle et en conception multimédia. Elle a travaillé à l’élaboration de films d’animations comme Le Château des Singes et l’Île de Black Mòr. Elle développe à partir de 1999 sa propre écriture au travers de projets en rapport avec la narration et les nouveaux outils de communication. Elle adapte alors le conte de fée les six cygnes, en 2008, sous la forme d’un site en ligne et d’un court métrage diffusé au festival du Cinéma Méditerranéen de Montpellier. Elle est membre du Collectif Pandora’s Box depuis 2004, site de travaux artistiques en lien avec les nouvelles formes de communication et lieu de rencontres avec des plasticiens.



Son dernier projet en date est _trajet, il met l’internaute au cœur de la conception d’une œuvre originale, à la réalisation de laquelle il peut lui même collaborer. Pour devenir cinéaste, il suffit de s’inscrire sur le site : http://www.trajets-lefilm.com/. L’expérience s’adresse à tous, que vous soyez néophytes ou professionnels. Une fois votre pseudonyme et votre mot de passe créés, vous avez accès au story-board du scénario dans votre espace personnel de travail. Des scènes du film vous sont alors proposées de manière aléatoire. Le film ne se construit pas dans l’ordre chronologique, mais au fur et à mesure des choix de tournage effectués par les participants.


Le story-board est réalisé de manière très efficace : les informations y sont claires et concises. Elles sont suffisamment précises pour que le film soit cohérent, tout en laissant assez de marge pour que chaque réalisateur puisse donner libre cours à son imagination et à sa personnalité. L’espace personnel de travail propose une bibliothèque de travail et de téléchargement, un espace de gestion des vidéos en cours, un accès à l'ensemble de la base de données du film (story-board et vidéos réalisées). Toutes les techniques de mise en image peuvent être utilisées : vidéo, animation 2D et 3D. Les vidéos doivent être réalisées en mp4, AVI ou MOV et être produites au format 16:9 selon les indications de tournage fournies dans le scénario. Les vidéos peuvent être visionnées par tous, taggées et commentées. Chaque participant peut aussi créer son montage personnel du film par marquage en favori et diffuser sa participation sur ses espaces Web personnels : blogues, facebook, etc. Le site devrait être développé sous peu afin de s’adapter aux téléphones mobiles et d’intégrer de nouvelles fonctionnalités de communication entre les participants.


_trajets est une façon ludique de tourner ou produire simplement des images tout en participant à la construction d'une œuvre collective.
_trajets nous donnera peut-être l'occasion de créer de nouvelles façons de nous regarder sur Internet... [1]

_trajets est un véritable Work in progress multimédia. En plus du site Internet principal qui présente le projet et donne accès à l’espace personnel de travail, Bérénice Belpaire alimente un blogue qui permet de suivre l’actualité du film. L’artiste organise aussi des ateliers. Le premier a eu lieu du 23 au 25 juin dernier dans le cadre du festival OPEN, Théâtre Paris-Villette. Les premières scènes du film ont été tournées à cette occasion avec le public et ont donné lieu à des performances en direct. Car, en plus d’être réalisateur, vous pouvez devenir acteur dans ce récit fluctuant aux facettes multiples._trajets propose ainsi une expérience qui peut s’étendre hors de l’espace strict du wWb pour devenir l’objet d’une rencontre vivante dans le cadre de festivals (d’autres ateliers sont à venir), mêlant performance théâtrale, cinéma et Web.

Dans ses œuvres, Bérénice Belpaire propose une réflexion très pertinente sur le potentiel créatif des médias numériques.

Quel usage fait-on des nouvelles technologies de la communication ? Souvent compulsif et narcissique. Un dispositif inverse ces pratiques, en les intégrant dans une histoire qui se construit à partir des éléments de chacun pour raconter l’histoire de tout le monde. Que l’on y participe de chez soi, dans le cadre d’un workshop ou bien en version scénique, il s’agit d’interpréter collectivement une histoire commune - la rupture amoureuse - et de construire son regard possiblement impliqué en tant qu’acteur et réalisateur d’un film. Gageons que fabriqué à plusieurs et ouvert à l’interprétation de chacun, le récit gardera sa cohérence, se déployant en une multitude de points de vue. [2]

_trajets promet à la fois un film fragmentaire et continu, une histoire singulière aux visions multiples, une esthétique hybride et universelle.

[1] source : http://www.trajets-lefilm.com/infos.php


mardi 12 juillet 2011

9e congrès international sur l'étude des rapports entre texte et image, L’imaginaire / The Imaginary (UQAM)

Le 22 août 2011 aura lieu le 9e congrès international sur l'étude des rapports entre texte et image, L’imaginaire / The Imaginary, à l'Université du Québec à Montréal.


Je participerai à la séance Esthétiques numériques, organisée par Bertrand Gervais:
Les œuvres numériques apparaissent comme des formes hybrides, instables et, parfois même, éphémères. La littérature électronique, la poésie générative, les textes numériques, le net art et les expérimentations hypermédiatiques présentes dans le cyberespace représentent un ensemble hétérogène d’œuvres où se réunissent textes, images, séquences vidéos, animations numériques et processus algorithmiques, et elles participent tout autant de la littérature que de l’art, du cinéma, de la vidéo et du théâtre. Une des particularités de ces créations est que les textes qui le constituent sont initialement perçus comme des images, des métaphores animées, voire des figures de l’écrit et du texte. Les textes et les documents deviennent leur propre figure; ils se lisent, mais surtout ils se donnent en spectacle. Or ces figures se déploient dans de nombreuses directions, qui accentuent tantôt leur aspect graphique ou leur complexité, tantôt leur fluidité, leur caractère nécessairement changeant. Des questions, que l’on croyait réglées, se posent à nouveau : quel est le statut de ces textes et de ces documents, quelle valeur accorder aux écrits que le numérique rend instables, quels régimes de représentation marquent l’époque contemporaine, etc. ?
Ma communication s'intitulera: L’hybridation médiatique du livre : 
Du cyborg au robot littéraire

Cette communication se propose de décrire les procédés d’hybridation médiatique des textes littéraires grâce à deux métaphores directrices : le cyborg et le robot. Ces deux entités seront considérées comme des figures permettant de décoder notre culture et plus particulièrement de penser un pan de la littérature de l’extrême contemporain.


Les textes qui feront l’objet de notre réflexion se font en effet cyborgs : corps hybrides, mi-organiques, mi-machiniques. Des romans comme Le décodeur de Guy Tournaye (que l’on considèrera comme un hypertexte-papier) et P.A. de Renaud Camus (oscillant entre livre et site Web) sont des objets littéraires à la croisée de plusieurs pratiques médiatiques. Ils procèdent de ce que Katerine Hayles dans Writing Machines appelle « cyborganization » :
« Transforming human subject into hybrid entities that cannot be thought without the digital inscription apparatus that produces them » (Hayles, 2002 : 49). Ces romans sont des cyborgs, métaphoriquement comme matériellement, par l’hybridation dont ils procèdent et par la cyberculture à laquelle ils appartiennent.


En contrepoint de ces œuvres littéraires que l’on pourrait qualifier 
d’« augmentées », nous trouvons au sein du medium numérique plusieurs exemples de représentation (de figuration) du livre, que nous qualifierons de livre-robot : des œuvres numériques, technologiques qui tâchent d’imiter le livre, comme le robot est construit à l’image de l’homme. Nous nous pencherons alors sur deux exemples en particulier : le site 
http://fr.calameo.com/ et Inside : a Journal of Dream d’Andy Campbell (http://www.dreamingmethods.com/inside/).
Ultimement nous nous interrogerons sur l’impact de ces métaphores du cyborg et du robot qui permettent à la fois de comprendre et de décrire précisément les procédés d’hybridation médiatique en jeu ici et de réfléchir à la problématique si prégnante de la matérialité, du corps (que celui-ci soit composé de chaire ou de papier) à un moment charnière de l’évolution technologique et médiatique.