lundi 16 février 2009

Lire le jeu vidéo, jouer à la littérature : Corpus Simsi de Chloé Delaume

En cours de préparation:
--> Lire le jeu vidéo, jouer à la littérature : Corpus Simsi de Chloé Delaume, Communication qui aura lieu dans le cadre du colloque: LE JEU VIDEO, AU CROISEMENT DU SOCIAL, DE L’ART ET DE LA CULTURE qui se tiendra du 10 juin au 12 juin 2009 à Limoges
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Corpus Simsi, roman de Chloé Delaume paru en 2003, a pour thématique l’utilisation du jeu de simulation de vie Les Sims à des fins de fiction. L’héroïne du récit, également nommée Chloé Delaume, est un être de fiction sans endroit où vivre, qui s’était incarnée sans succès dans les romans précédents de l’auteur éponyme. Le jeu vidéo Les Sims lui apparaît alors comme l’endroit rêvé pour exercer sa vie de personnage fictionnel, décrite tout au long de l’œuvre.
Corpus Simsi n’est pas la première œuvre littéraire à s’inspirer d’un jeu vidéo. Cependant, avec cette œuvre nous n’avons pas affaire à une adaptation ou à une simple remédiatisation, mais à un véritable acte de lecture littéraire d’un jeu vidéo, ou le récit d’une expérience vidéoludique unique. Nous étudierons comment, de manière pragmatique, d’un point de vue créatif et non théorique, une hybridation s’effectue, à travers l’œuvre de Chloé Delaume, entre le jeu vidéo et la littérature.
Il s’agira de montrer quels sont les procédés utilisés par l’auteur pour construire cette hybridation. On remarque alors la présence dans toute l’œuvre d’une forte iconicité liée au jeu vidéo : image pixellisées, captures d’écran… Dans Corpus Simsi, l’auteur omniscient est un joueur de God Game et le personnage, un avatar de jeu de simulation de vie. Mais c’est avant tout à travers les procédés de fictionnalisation, choisis par l’auteur, que l’influence du jeu vidéo se dessine. Chloé Delaume préconise l’autofiction, qui trouve dans le jeu vidéo un lieu de déploiement privilégié. Qu’est ce qu’une partie de simulation de vie sinon une autofiction? À l’aide du logiciel, le joueur crée une histoire dont il est lui-même le héros. Le jeu vidéo est un catalyseur, un moteur pour les expérimentations fictionnelles de l’auteur. Ce jeu d’hybridation prend ultimement une dimension philosophico-politique. L’autofiction n’est pas chez Chloé Delaume une complainte narcissique; son expérience du jeu vidéo n’est pas une tentative de dissolution de l’être dans le virtuel, mais s’accompagne d’une réflexion sur la disparition de la frontière entre réel et fiction (qu’elle soit virtuelle ou non), et sur l’avènement d’une fiction collective engendrée par les médias et ceux qui les dirigent. Une réflexion, que le jeu vidéo de William Wright portait déjà sous bien des aspects. Dans le roman de Chloé Delaume, l’avatar sim contrairement à ceux qui le manipule, assume son statut fictionnel :
Au commencement était le Verbe. Vous êtes ses rejetons. Vous êtes les moutards de l’orgueil et des vieux substantifs, mouflets logorrhéiques, vous êtes les fils de la Fiction. Regardez-vous et acceptez : vous verrez, vous n’existez pas. Regardez-nous et comprenez : nous sommes la solution. Nous sommes les Sims. Et vous êtes notre enjeu. [2]
Notre objectif ne sera donc pas d’arrimer le jeu vidéo à la théorie littéraire, mais plutôt de montrer comment des auteurs s’inspirent des possibilités créatives offertes par le jeu vidéo à des fins littéraires. Dans Corpus Simsi, ce n’est plus le jeu vidéo qui est considéré à l’aune de la littérature mais la littérature qui est considérée à l’aune du jeu vidéo.



[2] Chloé Delaume, Corpus Simsi, Montreuil, Edition Leo Scheer, 2003, p. 116.